Spiritualité de la Triple Donation

Chouandecoeur Messages : 56 Date d'inscription : 11/04/2019

Pour cet article de Frère Philippe OSB, est créée cette nouvelle rubrique.
Chouandecoeur

Spiritualité de la Triple Donation

Pourquoi cet acte est-il si important dans l’Histoire ? Et que signifie cette donation pour la France et pour Charles ?

Tout d’abord pour Charles :
Il n’est plus le Roi, mais le Lieutenant du Roi des rois.
Or, un lieutenant, littéralement le "tenant lieu", est une personne qui est directement sous les ordres d’un supérieur. Charles accepte cet état ! Sur un plan théologique, cette affirmation est parfaitement orthodoxe.
En effet, l’écriture dit : « Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu ? » (I Co 4,7). Tout don nous vient du Ciel, et c’est à nous de le faire fructifier, à l’exemple des talents donnés aux serviteurs (Mt 25).
Ainsi, Charles était appelé à mettre les préceptes de l’Évangile au cœur des lois du royaume de France, en faisant régner la justice et en louant Dieu pour tous les dons reçus. Il devait gouverner le royaume pour le salut du plus grand nombre. En aucun cas, Charles aurait eu pour mission de conquérir l’Europe comme par exemple Napoléon. Nous pourrions citer en contre exemple les armées napoléoniennes qui, lorsqu’elles entrèrent en Espagne, des habitants de ce pays implorèrent la Vierge afin qu’elle leurs donne la victoire ¹.

La spiritualité de cet acte se poursuit avec les figures représentées sur l'étendard de Jehanne. En effet, ce furent sainte Catherine et sainte Marguerite qui lui dirent de « prendre l’étendard de par le Roi du Ciel », et « elle y fit faire cette figure de Dieu et des anges et la fit mettre en couleurs ».
Là encore, la servante de Dieu « fit tout par le commandement de Dieu ».
Sur cet étendard, il n’y avait aucune allusion à une autorité humaine, mais tout était en relation avec le divin. Un étendard avait pour fonction d’entraîner les troupes derrière leur chef. Or, les hommes qui la suivaient combattaient pour le Roi du Ciel, et non pour Charles, même si ce dernier en était le grand bénéficiaire.

D’ailleurs, lors de la reconquête de son royaume, le roi Charles VII adopta une intelligente politique de pardon qui lui permit de refaire l’unité de l’État autour de sa personne et préserva assurément la France de l’éclatement. Il s’est comporté alors comme le lieutenant du Roi du Ciel, en appliquant la loi de l’Évangile.
De fait, lorsque la servante de Dieu écrivit aux habitants de Troyes, elle utilisa cette formule :
« Très chers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs, bourgeois et habitans de la ville de Troyes, Jehanne la Pucelle vous mande et vous fait savoir de par le Roi du Ciel, son droiturier et souverain Seigneur, au service royal duquel elle est un chascun jour, que vous fassiez vraie obéissance et reconnoissance au gentil roy de France qui sera bien brief [bientôt] à Reims ET A PARIS, qui que vienne contre, ET EN SES BONNES VILLES DU SAINT ROYAULME, à l'aide du roi Jhesus ».

Certes, mais ce qui est exprimé ci-dessus n’est écrit dans aucune source contemporaine.
Cependant, l’Écriture affirme :
« Notre lettre, c'est vous, une lettre écrite en nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. Vous êtes manifestement une lettre du Christ remise à nos soins, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs » (II Co 3, 2 et 3).
D’ailleurs, étudier cet acte de donation indique que nous nous plaçons dans une lecture chrétienne de l’Histoire.

Les contemporains de la bonne Lorraine avaient bien noté l’amour de Dieu pour notre pays :

D'après Morosini :
« Voilà de bien grandes merveilles ! Qu'en deux mois une fillette ait conquis tant de pays sans hommes d'armes, c'est bien un signe manifeste que ces événements ne sont pas œuvre d'une vertu humaine, mais que c'est Dieu qui les accomplit. Dieu a considéré la longue tribulation endurée par le plus beau pays du monde, dont les habitants ne sont plus chrétiens qu'en aucune autre contrée. Après l'avoir purifié de ses péchés et de son orgueil, Dieu a voulu l'aider de sa main, alors qu'il était sur le point de sa destruction finale ».

De même, selon Thomas Basin :
« Et sache un chacun que Dieu a montré et montre un chaque jour qu'il a aimé et aime le royaume de France. Il l'a spécialement élu pour son propre héritage, et pour, par le moyen de lui, entretenir la sainte foi catholique et la remettre du tout sus, et pour ce Dieu ne le veut pas laisser perdre. Mais sur tous les signes d'amour que Dieu a envoyés au royaume de France, il n'y en a point eu de si grand, ni de si merveilleux comme celui de cette Pucelle ».

Ainsi fut aussi interprétée sa mission.

Autres exemples historiques de cet amour de Dieu pour la France.

Cet amour de Dieu pour la France se manifesta au travers de "différentes alliances". Tout d’abord avec Clovis, qui fut le premier roi sacré dans l’histoire de la Chrétienté ! Puis Saint Louis fut le premier souverain d’Europe à porter du bleu dans ses armoiries. « Cette couleur [...] a probablement été choisie [...] en hommage à la Vierge, protectrice du royaume de France et de la monarchie capétienne ». L’histoire se poursuit avec le bel exemple de Louis XIII, qui consacra la France à la Vierge Marie le 10 février 1638. Ainsi la France fut le premier pays consacré à la Vierge Marie ! Et neuf mois plus tard naissait Louis XIV, l’héritier tant désiré, puis un second fils fut donné au couple royal : Dieu est toujours prodigue.

Quelques autres exemples, dont les demandes se rapprochent de celles de la servante de Dieu.

• Tout d’abord, sœur Marguerite du Saint-Sacrement, carmélite à Beaune au XVII siècle. Elle, ainsi que sa communauté, priait pour la naissance du futur Louis XIV. Ce cas fut très loin d’être isolé. En 1636, année où la France connut de grandes souffrances, « dans cette détresse générale, le Fils de Dieu confie la France à Marguerite "comme à une Esther" ».

• Attardons nous sur la belle figure de sœur Marguerite-Marie Allacoque, religieuse visitandine à Paray le Monial au XVII siècle. Cette religieuse nous a laissé une fort belle correspondance, dont nous ne retiendrons que quelques modestes extraits.
Dans sa lettre du 23 février 1689 à la Mère de Saumaise, elle écrivait :
« Ils [les dévots au Sacré Cœur] s’attirent par là l’amitié et les bénédictions éternelles de cet aimable Cœur de Jésus et un puissant protecteur pour notre patrie ».

Puis, dans la lettre du 17 juin 1689 toujours adressée à la Mère de Saumaise, elle écrit de la part du Christ :
« Fais savoir au fils aîné de mon Sacré Cœur, parlant de Louis XIV, que sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma Sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu’il fit de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien, et, par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis [...], pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Église ».

Enfin, dans une autre lettre, datée d’août 1689, elle affirme que :
« Ce divin Cœur se veut rendre protecteur et défenseur de sa sacrée personne, contre tous ses ennemis visibles et invisibles ».

Les historiens nous assurent qu’il y eut des tentatives sérieuses pour faire aboutir cette demande, mais il semble donc probable que le roi n’a pas été prévenu. Pourquoi ? Nous ne le saurons sans doute jamais.
La même demande a été faite auprès de Louis XV, là encore sans succès. Bien que : « Marie Leczinska, épouse de Louis XV, aurait connu ces messages, et ce serait la raison de l’aménagement à Versailles, dans la chapelle royale, d’une chapelle dédiée au Cœur du Christ ».

Cette demande sera évoquée lors d’une « communication intime » faite à sœur Lucia, une des voyantes de Fatima, pendant l’été 1931. Bien que la demande du Christ portait sur la consécration de la Russie, le Seigneur lui dira :
« On n’a pas voulu écouter ma demande !... Comme le roi de France, on s’en repentira et on le fera, mais ce sera trop tard ».
En effet, Louis XVI se consacra, ainsi que sa famille, au sacré cœur, mais en 1790 !
Dans une lettre du 21 juin 1823, Mère Marie de Jésus, religieuse de la Maison dite "des Oiseaux" à Paris, confirma cette consécration. Par contre ce fut le 17 juin 1789, soit un siècle jour pour jour après la lettre de sainte Marguerite-Marie, que le Tiers-État se déclara Assemblée Nationale, rompant définitivement le lien qui unissait la monarchie avec le peuple Français.

• L’un des deux voyants de la Salette, Maximin Giraud, alla rencontrer en 1873 le comte de Chambord à Frohsdorf, en Autriche, pour lui annoncer : « Je suis venu vous dire qu’il ne fallait pas entreprendre de devenir roi de France, et que cela ne se peut pas et vous savez pourquoi ». C’est presque l’ "anti-rencontre" de Chinon : un jeune voyant vient rencontrer un prétendant au trône de France, et lui délivre un secret, mais afin qu’il ne règne pas !

• Poursuivons avec Claire Ferchaud. Cette mystique française, en pleine première guerre mondiale, est allée rencontrer le président Raymond Poincaré afin que la France se convertisse et que la République fasse apposer l’image du Sacré Cœur sur le drapeau national, ainsi que sur les uniformes des soldats français.
Cette démarche ne donnant pas les résultats escomptés, Claire Ferchaud sollicita les généraux. Seul Foch y répondit favorablement, au cours d’une cérémonie privée, qui eut lieu le 16 juillet 1918, en pleine offensive allemande dans la modeste église de Bombon, près de Mormant en Seine-et-Marne . De très nombreux soldats français cousirent cet emblème sur leurs uniformes.
Ces deux exemples sont liés avec la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, mais la diffusion de la dévotion au Sacré Cœur n’est pas le seul fait des Français.

• Lors des apparitions de l’île Bouchard, en décembre 1947, la Vierge Marie demande explicitement aux enfants de prier pour la France.

• Terminons avec un religieux étranger : Marcel Van. Ce rédemptoriste vietnamien du milieu du XX siècle eut la joie de discuter avec le Christ, la Vierge Marie et sainte Thérèse de Lisieux ! Lors de ses colloques, le Christ lui annonce : « La France est toujours le pays que j’aime et chéris particulièrement ». Cette idée se retrouve dans de nombreux parties de ses entretiens (§ 88 + 93 + 94 + 95 + 96 + 124 + etc.). Le Christ aime tellement la France qu’il manifeste son amour à un étranger . Enfin, le Christ demande aux Français de consacrer la France à son amour .

En conclusion, nous voyons bien l’amour particulier que le Christ porte à la France. Que cette dernière se souvienne des promesses de son baptême !

Frère Philippe OSB